Un petit nombre de grandes entreprises technologiques ont un pouvoir considérable en matière de publicité en ligne. Elles contrôlent l’accès à de grandes quantités de données utilisateur et imposent des facteurs clés, tels que le placement publicitaire et les indicateurs d’engagement des utilisateurs. Ces facteurs influencent à leur tour la façon dont les annonceurs allouent les budgets, choisissent les plateformes et peaufinent les campagnes afin d’optimiser l’impact et le retour sur investissement.
La Commission européenne (CE) a reconnu la nécessité de réglementer ces entreprises pour garantir une concurrence loyale, assurer la protection de la vie privée des utilisateurs et promouvoir la transparence. La CE a élaboré le Digital Markets Act (DMA) – en français, législation sur les marchés numériques, qui est entré en vigueur le 1er novembre 2022 et impose des restrictions et des obligations à ces entreprises technologiques, qu’elle qualifie de « contrôleurs d’accès ». Ces entreprises sont les suivantes :
- Alphabet (Google, YouTube, Android)
- Amazon
- Apple (iOS, App Store)
- ByteDance (TikTok)
- Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp)
- Microsoft (LinkedIn, Windows PC OS)
La CE continue d’évaluer d’autres entreprises ainsi que leurs plateformes et services, et pourrait à terme allonger la liste des contrôleurs d’accès.
La législation sur les marchés numériques (DMA)a un impact sur les consommateurs de l’Union européenne (UE) et/ou de l’Espace économique européen (EEE), ainsi que sur les entreprises qui collectent des données utilisateur et utilisent les plateformes et services des contrôleurs d’accès dans ces régions.
Dans cet article, nous abordons l’influence des contrôleurs d’accès sur la publicité en ligne, les changements que le DMA vise à apporter et la manière dont les annonceurs peuvent se conformer aux nouvelles réglementations en matière de protection de la vie privée.
Le pouvoir des contrôleurs d’accès en matière de publicité en ligne
Un aperçu des sources de revenus des contrôleurs d’accès montre à quel point leurs résultats financiers dépendent de la publicité. En juin 2023, 98,4 % du chiffre d’affaires de Meta provenaient de la publicité (les données chiffrées détaillées dans cet article proviennent de source en anglais). Quant à Google, 78,2 % de ses recettes proviennent de ses investissements publicitaires.
En 2022, Google et Meta ont touché un total cumulé de 300 milliards de dollars grâce à leurs recettes publicitaires. (Sources : Google/Meta). Malgré ces chiffres impressionnants, un important changement s’est produit en 2022. Pour la première fois depuis 2014, Google et Meta ont vu leur part collective du marché publicitaire chuter à 48,4 %. Les analystes prévoient que ce chiffre continuera de diminuer pour atteindre environ 43,9 % d’ici 2024.
Alors que Google et Meta perdent une partie de leur emprise, d’autres contrôleurs d’accès gagnent du terrain et réduisent ainsi l’écart. La part de marché de TikTok et Amazon a augmenté. Apple et Amazon ont fortement étoffé leurs équipes publicitaires, tandis que Microsoft a conclu un partenariat avec Netflix afin de renforcer le volet publicitaire de la plateforme de streaming.
Ces chiffres et évolutions révèlent un changement progressif du rapport de force, même si le pouvoir reste encore largement entre les mains des contrôleurs d’accès.
Pourquoi promouvoir vos produits et services avec des contrôleurs d’accès
Les contrôleurs d’accès dominent l’espace publicitaire numérique. En outre, l’utilisation de leurs services publicitaires présente des avantages indéniables, notamment un accès sans précédent à une audience internationale, des fonctionnalités de ciblage précises et des outils de campagne de pointe.
Accès à une large audience internationale
En ce qui concerne le nombre d’utilisateurs à l’échelle mondiale, les contrôleurs d’accès évoluent dans une catégorie à part. Facebook, détenue par Meta, comptait près de 3 milliards d’utilisateurs actifs mensuels (MAU) à la mi-2023, et Instagram a franchi le cap des 2 milliards de MAU fin 2021. TikTok a atteint 1,7 milliard de MAU en 2022, et ce chiffre devrait passer à 2,25 milliards d’ici 2027.
Les annonceurs peuvent profiter d’un accès sans précédent à une audience internationale qui s’engage durablement, de tout âge, aux quatre coins du monde, et ayant une multitude de centres d’intérêt. Cette perspective ouvre la voie à de nombreuses stratégies publicitaires, notamment des campagnes hyperciblées ou des messages de marque à grande échelle.
Capacités de ciblage
Chaque jour, ces milliards d’utilisateurs créent d’énormes quantités de données utilisateur. Google, par exemple, peut tirer parti de l’historique de recherche, de l’emplacement et même du type de périphérique pour se concentrer sur un segment d’audience précis. Meta permet aux annonceurs de cibler les utilisateurs en fonction des comptes qu’ils suivent, des contenus qu’ils partagent ou aiment et des événements auxquels ils participent. Les annonceurs peuvent utiliser ces données pour mener d’intenses campagnes qui obtiennent les résultats escomptés grâce à des publicités qui répondent aux intérêts et aux besoins des individus.
Outils de campagne et d’analyses de pointe
Les contrôleurs d’accès investissent massivement dans le développement de plateformes publicitaires sophistiquées. Ils offrent aux annonceurs une large gamme d’outils et de fonctionnalités, tels que des analyses statistiques complètes, des outils d’optimisation et des informations sur l’audience, de manière à créer des campagnes ultrapersonnalisées. Ce niveau de sophistication permet d’affiner en permanence la stratégie et, en définitive, d’obtenir un meilleur retour sur investissement.
La législation sur les marchés numériques : une solution face au déséquilibre des forces ?
Le DMA est en passe de changer la donne pour les entreprises technologiques dominantes en ciblant leurs pratiques opérationnelles en matière de publicité en ligne. Ce règlement vise à introduire des règles plus strictes en matière de collecte de données et des exigences de transparence renforcées, afin de permettre à de petits concurrents de rivaliser, tout en imposant aux principaux acteurs de répondre davantage de leurs actes.
Impact de la législation sur les marchés numériques sur la concurrence
Le DMA exige des contrôleurs d’accès qu’ils traitent leurs propres services et ceux de leurs concurrents de manière plus équitable, notamment eu égard au positionnement des annonces et aux résultats de recherche.
Il impose également aux contrôleurs d’accès de fournir aux annonceurs les outils et les données dont ils ont besoin pour évaluer, en toute indépendance, les performances de leurs publicités sur la plateforme. Cela permet de créer un environnement plus transparent en s’assurant que les entreprises disposent de ce dont elles ont besoin pour valider la portée et l’impact de leurs publicités sans dépendre uniquement des indicateurs des contrôleurs d’accès.
Pour les petits annonceurs, le DMA pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour l’entrée sur le marché et la concurrence. Comme le règlement crée plus de transparence et limite le comportement monopolistique des acteurs dominants, les petites entreprises pourraient obtenir une certaine visibilité et accéder aux consommateurs plus facilement.
Impact de la législation sur les marchés numériques sur la protection de la vie privée des utilisateurs
Le DMA introduit des mesures strictes pour s’assurer que les contrôleurs d’accès gèrent les données utilisateur de manière responsable et conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD). Par conséquent, les annonceurs qui utilisent leurs plateformes devront également respecter ces règles ; à défaut, leur utilisation des plateformes publicitaires risque d’être suspendue.
Les contrôleurs d’accès doivent obtenir le consentement explicite des utilisateurs avant de collecter leurs données. Ils sont également tenus de divulguer tous les aspects liés à leurs activités de collecte de données, y compris la finalité de l’utilisation des données, la durée de conservation de ces dernières et la manière dont elles peuvent être partagées. Le règlement limite les bases légales sur lesquelles les contrôleurs d’accès peuvent s’appuyer pour collecter des données, le consentement des utilisateurs constituant ainsi un élément crucial.
En vertu de la législation sur les marchés numériques, les données utilisateur provenant de différents services et plateformes de contrôleurs d’accès (ou de services tiers) ne peuvent être combinées à des fins de profilage pour la publicité ciblée. Ces limitations pourraient amener les entreprises à reconsidérer leur approche du ciblage et de la segmentation de l’audience, notamment en adoptant des pratiques marketing basées sur le consentement et la publicité contextuelle.
Impact de la législation sur les marchés numériques sur le paysage publicitaire numérique
Les nouvelles règles définies par le DMA pourraient amener les annonceurs à envisager de nouvelles méthodes pour faire passer leur message. Par exemple, les contraintes liées au partage de données entre deux ou plusieurs plateformes ou services signifient que la publicité contextuelle (une approche moins dépendante des données personnelles et du profilage) pourrait devenir une meilleure option pour toucher les internautes.
Compte tenu de ces changements, les annonceurs devront revoir leur mode d’évaluation des performances. Cela pourrait même inciter les entreprises à regarder au-delà des principales plateformes et à investir dans des méthodes publicitaires alternatives conformes aux nouvelles réglementations. Par exemple, elles peuvent s’intéresser davantage au contenu des partenaires, aux partenariats avec des influenceurs ou à des formats tels que le marketing par e-mail, car ces différentes options pourraient permettre un respect plus strict des dispositions du DMA.
Réglementations et transparence : des impératifs en matière de publicité en ligne
La mise en œuvre du DMA met en évidence le besoin crucial de réglementations et de transparence dans le secteur de la publicité en ligne, à la fois pour favoriser la concurrence et pour renforcer la confiance des utilisateurs. Le secteur repose sur la confiance qu’ont les utilisateurs dans la publicité et sur la capacité d’un grand nombre d’entreprises à promouvoir leurs produits et services. Si ces utilisateurs se méfient de la façon dont leurs données sont traitées, ils se désengageront. De même, si les petits annonceurs ne peuvent rivaliser en raison de la position dominante d’une poignée de grands acteurs sur le marché, les options seront limitées pour tout le monde.
Une approche équilibrée assurerait à la fois la protection de la vie privée des utilisateurs et la concurrence loyale. Des réglementations trop souples pourraient compromettre la confiance des utilisateurs. À l’inverse, des réglementations trop restrictives pourraient ralentir l’innovation et réduire les options dont disposent les annonceurs. Cet équilibre n’est pas simple à obtenir, mais il est crucial pour la viabilité à long terme de l’écosystème publicitaire en ligne.
La législation sur les marchés numériques vise à trouver cet équilibre en appliquant certaines normes en matière de traitement des données et de transparence qui favorisent la confiance et permettent une concurrence plus saine entre les annonceurs. L’objectif n’est pas d’imposer des restrictions injustifiées aux contrôleurs d’accès, mais plutôt de s’assurer qu’ils opèrent de manière avantageuse pour tout le monde, y compris les utilisateurs, les annonceurs et les plateformes elles-mêmes.
Se préparer à la législation sur les marchés numériques
La date limite de mise en conformité avec le DMA (6 mars 2024) approchant, les annonceurs ne doivent pas tarder à examiner et, si nécessaire, à modifier leurs pratiques publicitaires existantes pour se conformer aux nouvelles réglementations. Il existe des mesures proactives pour prendre une longueur d’avance.
1. Examen des pratiques de collecte et d’utilisation des données
Les annonceurs doivent examiner la manière dont ils collectent, utilisent et conservent les données utilisateur pour voir si elles sont conformes aux exigences du règlement. Cela implique de revoir les bandeaux de consentement aux cookies afin de simplifier la terminologie utilisée pour indiquer précisément aux utilisateurs les données qui seront collectées et la finalité. Ils doivent également veiller à obtenir le consentement par l’opt-in sans options de consentement présélectionnées ou manipulatrices. Les annonceurs peuvent utiliser une plateforme de gestion des consentements comme Cookiebot CMP afin d’obtenir un consentement utilisateur valable au regard des exigences réglementaires.
2. Révision des politiques de confidentialité
Pour se conformer aux exigences de transparence du DMA, les annonceurs doivent évaluer et mettre à jour leurs politiques de confidentialité et celles relatives aux cookies. Le premier point d’action est la visibilité. Les politiques doivent être facilement accessibles sur les sites web et via le bandeau de consentement aux cookies. En matière de contenu, la terminologie utilisée doit être simple, mais exhaustive, et les politiques doivent clairement indiquer le type de données collectées, la finalité précise, la durée de conservation et les personnes pouvant y accéder.
3. Contrôles de conformité réguliers
La conformité est un enjeu à long terme et en constante évolution. Les annonceurs doivent donc définir un calendrier d’audits internes réguliers. Ici, l’accent doit être mis sur les analyses d’impact sur la protection des données (AIPD) qui évaluent la manière dont les données personnelles sont traitées et la conformité avec les dispositions du DMA. Il conviendrait également de se tenir informé de l’évolution des réglementations existantes ou des implications des nouvelles réglementations, et d’apporter les changements correspondants aux pratiques actuelles.
4. Consultation de juristes
Les annonceurs doivent obtenir des conseils juridiques auprès de juristes et de spécialistes de la protection de la vie privée, p. ex. un délégué à la protection des données, pour éviter les faux pas en matière de conformité. Ces spécialistes peuvent évaluer des domaines de risque spécifiques et proposer des mesures concrètes pour répondre aux exigences de conformité en matière de protection de la vie privée, tout en assurant un traitement responsable des données et en garantissant que les entreprises obtiennent les données dont elles ont besoin pour leurs activités publicitaires et marketing.